Nous devons nous remettre dans le contexte historique. Nous sommes dans les années 1900. Grâce aux passionnés, le Berger Belge commence à être reconnu et selectionné après des années un peu floues. La race commence donc à prendre forme. Des expositions ont eu lieu afin de regrouper les bergers du pays en différents groupes en fonction de leur couleur et de la longueur/texture de leur poil. La race commence à peine à exister que déjà un premier concours de dressage est organisé grâce à l'influence de M. Louis Huyghebaert un précurseur et visionaire.

 

 

Les chiens de berger à Malines

Concours de dressage 1903   - Preuves d'obéissance et d'intelligence

Extrait du rapport du juge M. le professeur Ad. Reul

 

 

Le Concours s'ouvre vers 10H du matin, dans un terrain approprié par un beau soleil et en présence d'une foule choisie, maintenue le long du ring. L'autorité communale de Malines, M. le bourgmestre en tête, est au premier rang. M. Hettema, président du club du chien de berger belge, et M. Huyghebaert, président de la section malinoise, se tiennent aux côtés du juge et veillent au maintien de l'ordre pendant toute la durée du concours.

Les épreuves sont réservées, les unes au "travail individuel", d'autres au travail "en couple", d'autres au travail "en groupe".

Les chiens ont fait preuve d'un dressage, d'une obéissance et d'une intelligence qui stupéfiaient. Il ne manquait réellement que la parole à ces braves bêtes.

 

Travail individuel

C'est la section qui comporte le plus grand nombre d'inscriptions. On en compte neuf : Nic, Nac, Cora I, Fritz, Mirabelle, Porthos, Satan, Joubert et Picard.

Il est procédé à un tirage au sort, qui a classé les concurrents dans l'ordre selon lequel ils vont être présentés.

Porthos et Joubert sont provisoirement retirés; ils prendront part aux épreuves de saut qui auront lieu plus tard.

Nic fait son entrée dans le ring. Berger Belge à poil noir long, élevé par M. Meunier, fils de Carlo et de Mirette, né le 15 avril 1899, primé la veille à Maline. Nic est présenté par M. Moucheron, place de la Chapelle à Bruxelles, son propriétaire. 

Le chien obéit, ponctuellement aux ordres de son maître et fait preuve d'un franc sentiment de la garde des objets qui lui sont confiés. La mission de veiller sur une valise déposée contre la clôture, à l'autre bout du ring, lui est donnée, son maître devant s'éloigner. Nic s'acquitte de cette tache avec un sentiment du devoir qu'il faut admirer. Son maître parti, au lieu de se mettre à sa poursuite conformément à l'instinct des animaux de l'espèce, Nic s'immobilise contre la valise me regarde d'un air menaçant en me montrant la blancheur de ses canines lorsque je fais mine de m'approcher de l'objet dont il a la garde.

On peut encore le voir en facteur, auprès de la valise, lorsque le ring est occupé par Cora I, à M. Opdebeeck.

Nic obtient le 3eme prix.

Il cède la place à Nac, autre groenendael, au même propriétaire. Nac se montre très attentive à comprendre les intentions de son maître, elle en donne des preuves ; Elle excelle dans la rechercher des petits objets, notamment des pièces de monnaie jetées dans le sable de la piste. Ses allées et venues vaines au dessus de l’objet lancé par son maître au sortir de la poche de celui-ci prouvent qu’elle n’a guère de nez. Elle s’arme de la vue pour découvrir les « cens ». Pas de prix.

M. Louis Opdebeeck, rue des Planches 24, à Malines, entre dans le ring et nous y amène Cora I, une chienne berger belge  sous poil fauve charbonné, d’une conformation parfaite, ayant remporté depuis cinq ans de nombreux premiers prix et prix d’honneur dans les principaux concours du pays, une prime de conservation et une prime d’élevage à Bruxelles.

Cora I est donc un type de beauté de reproductrice ; c’est aussi un type d’intelligence et d’obéissance passive, ainsi qu’elle en a fourni des preuves au concours de dressage. J’ajouterai qu’elle à l’heur de se trouver aux mains d’un dresseur di primo cartello, doux, patient, vigilant, sachant se faire obéir par la douceur. Aussi, M. Opdebeeck est-il adoré de ses chiens, qui ne le perdent pas du regard, attendant avec une fébrile impatience le geste qui leur sert de commandement.

Voici quatre des exercices exécutés par Cora :

 

 corajambe

M. Opdebeeck lance son bâton au loin ; Cora part au galop, revient plus vite encore, offre le bâton à son maître et s’intercale entre ses jambes dans l’attente de nouveaux ordres. Le bâton est lancé une seconde fois. Cora bondit dans sa direction, rapporte l’objet, le garde sur place ou l’abandonne, selon le mot d’ordre qu’elle reçoit au départ. Elle va reporter le bâton à distance si son maître le lui ordonne. Jamais elle ne manifeste la moindre velléité d’indépendance. On dirait réellement que cette jolie bête ne vit que pour son maître.

coraobj.jpgCora se trouve entre quatre objets : un vieux chapeau de feutre, un sabot d’ouvrier, un bâton et son collier. Tous ces corps avaient été déposés à nos pieds, à côtés de M. Opdebeeck. A l’énumération du nom de chacun de ces objets, Cora s’en est saisie et est allée les déposer l’un près de l’autre au bout du ring, puis, visiblement satisfaite de sa prouesse, elle est venue reprendre sa position favorite entre les jambes de son maître. Bientôt, elle reçoit l’ordre d’aller rechercher les objets et de les rassembler à nos pieds ; en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, et au triple galop, les quatre voyages étaient effectués et les quatre objets à leur place primitive. Les applaudissements du public engagent M. Opdebeeck à répéter l’expérience. Nous brouillons les cartes en intervertissant l’ordre suivi pour le transport des objets, mais l’intelligente bête, après un moment d’hésitation bien compréhensible, finit par rapporter le sabot et le collier qu’on lui demande, distinguant ces objets des deux autres.

 

    corasautmaitre.jpgCora, la bergère à poil ras, ne se contente pas de donner des preuves de grande intelligence : elle exécute aussi des tours d’adresse. Qu’on en juge : elle passe au galop à travers un cerceau très étroit : elle s’enfonce à mi-corps et y reste enserrée comme dans un étau, dans un anneau plus étroit encore, maintenu à une certaine hauteur par son maître. On lui tend son collier à hauteur, elle arrive au galop, bondit, y passe le cou et poursuit son chemin. Tout cela se fait avec une facilité et une vitesse étonnantes, sans éclat de voix, Cora dépasse de cent coudées les chiens savants des criques.

       coraechelle.jpgCora monte également à l’échelle : elle s’y promène avec l’aisance d’un pompier accoutumé à son service et avec la même facilité dans les deux sens de l’inclinaison.

  corapiquet.jpg Enfin, nous avons vu cette chienne étonnante, ayant la souplesse de   l’anguille,  bondir en l’air pour atteindre l’extrémité libre d’un pieu fiché en terre et s’y maintenir des quatre, de trois ou de deux pattes, malgré l’étroitesse du siège plus que couvert par la surface des pieds.

Cora I s’est montrée imbattable et supérieur à tous les concurrents. Aussi a-t-elle bien mérité le 1er prix que je lui ai attribué avec le plus grand plaisir, tout en adressant à M. Opdebeeck des compliments aussi bien mérités.

Présentons encore Fritz, à M. Heynen, de Woluwé-Saint-Pierre, un autre fauve charbonné, obéissant au geste magique de M. Opdebeeck comme une vraie Cora et remportant le 2ème prix.

Fritz a fourni de belles preuves d’intelligence, d’obéissance passive et d’adresse. Il a rapporté des objets au commandement venant se reposer entre les jambes de son maître ; sur un geste de celui-ci, il a pris la position du cabret est s’est maintenu dans cette attitude, contre un tronc d’arbre, aussi longtemps qu’on a voulu. Il y serait cordes encore si on ne l’avait pas invité à faire place à d’autres. Fritz a d’autres cordes à son arc, il saute et franchit avec une grande légèreté, il reste immobile sur place au commandement, etc.

C’est Mirabelle qui succède à Fritz dans le ring des chiens savants ; mais celle-ci, avec son air garçon, ne m’inspire de prime abord aucune confiance. C’est une sorte de croisé briard qui n’a jamais pu franchir le seuil d’un concours de beauté ; elle ne paye pas de mine et, ainsi que j’en avais l’intuition, Mirabelle se borne à tourner en cercles autour de son maître, M. Balcaen, de Cureghem, en me lançant des regards terribles. Ma foi, je pense qu’elle me prenait pour un pickpocket et pourtant elle aurait dû me reconnaître, puisque nous sommes presque du même village. Je l’ai priée de sortir et lui ai donné rendez-vous au bassin, ou elle a étonné tous les assistants par ses sauts prodigieux dans l’eau. Nous la retrouverons plus loin dans son vrai rôle.

Les chiens suivants : Porthos, à M. Gadeyne-Renard, un des bergers belges noirs les plus chargés de prix, de même que Satan et Joubert, de la police saint-gilloise, ont été réservés pour les sauts sur terre ou dans l’eau et pour un simulacre d’arrestation de voleur, sous la direction de M. Coene, officier de police à Saint-Gilles.

Quant au chien Picard, à M. Reumon, qui clôture la série, il prend appui contre un arbre, se couche au geste, s’empare d’un bâton et le porte comme le caniche. C’est à cela que semble se borner l’éducation de ce brave vieux Picard qui a cueilli tant de lauriers depuis 1898 dans les concours de sa race et semble plutôt fait pour des séances d’esthétique que pour des séances de cirque. A Maline, il s’est borné à donner des preuves d’obéissance et c’est déjà beaucoup.

 

Concours de chiens travaillant en couple

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Vient le concours de chiens travaillant par couple. Trois inscriptions ont été enregistrées, mais il n’en reste que deux en présence, la troisième étant retirée au dernier moment.

M. M. pénètre dans le ring avec ses chiens noirs Nic et Nac, déjà vu les premiers. A deux, ces chiens se bornent à trottiner sur les talons de leur maître ; puis, l’un est éloigné d’un geste et va se mettre en observation plus loin. Cette simple démonstration qui n’a pas eu de suite, nous a paru insuffisante pour l’obtention d’un prix. Ces chiens n’ont fait que passer dans le ring, ou ils ont été remplacés par Cora I et Fritz, les 1er et 2ème prix du concours précédent, commandés par M. Opdebeeck.

Le cliché précédent montre Cora et Fritz, qui, obéissant à un simple geste de leur maître, vont prendre la position bipédale contre un arbre et attendent d’autres commandements. Leur maître a manifesté le désir de les voir près de lui : ils filent comme deux flèches et vont se refugier entre ses jambes, serrés l’un contre l’autre. Ils font ensuite une série d’évolutions sur commande, dans la piste, avec un ensemble de mouvements aussi parfait que s’il n’y avait qu’un seul chien en cause.

Leur beau travail rapporte le 1er prix, soit 25Francs, à M. Opdebeeck et des salves d’applaudissements des spectateurs emballés par l’originalité et la beauté de ce spectacle.

 

Concours de chiens travaillant en groupe

 

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Un seul groupe prend part au concours, le second inscrit se retire.

Le groupe restant se compose encore une fois de Cora I, Fritz et une fille de Cora répondant au nom de Thylla, âgée de 10 mois seulement et à peine dressée, cela se conçoit. La photographie est une excellente reproduction du trio, Thylla au milieu, que tous les photographes ont parfaitement réussi, au point que nous ne savons de qui est le cliché reproduit ici. M. C., un fervent du chien de berger, qui fait partie du groupe, nous le dira peut-être bien.

Cora I qui tenait le premier rôle depuis l’ouverture du concours, se montrait énervée ; sa fille Thylla savait à peine contenir la juvénile ardeur de ses dix mois ; elle piétinait sur place, mais savait déjà mettre un frein à ses élans de vivacité. Fritz seul était en bonne possession de ses moyens. Aussi n’exigeons-nous de ce beau trio que quelques preuves d’obéissance, d’intelligence, d’attachement au maître. Sur un signe de celui-ci, les trois chiens sautent de leur observatoire avec un ensemble parfait : un autre geste les renvoie sur la caisse, et d’un bond ils y arrivent ensemble comme un seul…chien, M. Opdebeeck s’efface dans la foule des spectateurs, après avoir intimé à ses intelligentes bêtes l’ordre de ne pas quitter leur poste.  Vive est l’impatience du trio, dont les yeux cherchent le maître. Il finit par reparaître et leur lance un appel. Un bon formidable, accompagné de cris de joie, y répond et en un clin d’œil les chiens sautent autour de leur maître, pour lequel ils éprouvent une si vive affection et qui la leur rend bien. Brave homme, braves bêtes !

Le 1er prix est décerné à la « famille L. Opdebeeck », un modèle de cordialité et de bonne entente entre homme et chiens, que nous offrons en exemple à la Société protectrice des animaux. Elle mérite encouragement.

Sauts en hauteur

Cinq concurrents prennent part aux sauts en hauteur, à échelle mobile.

Cora I, principale actrice dans les concours de dressage, paraît fatiguée et nous sommes d’avis qu’il ne faut pas la décourager par de nouvelles exigences en ce moment. Cette jolie bête est conformée  pour le saut, mais elle n’est évidemment plus en possession de ses moyens et mieux vaut qu’elle s’efface devant ses concurrents aujourd’hui. Cora est retirée.

Fritz a mis la patte sur un corps vulnérant et il boîte visiblement d’un membre postérieur, ce qui le met hors de combat.

saut.jpgJoubert va l’emporter sur ses concurrents en franchissant sans toucher la toile mobile limitée à la hauteur de 1m20 d’abord, 1m30 ensuite ; mais son saut est lourd et manque d’élégance : c’est que Joubert a l’habitude d’un autre genre de saut, qui exige du courage, une volonté énergique, une grande force musculaire et une certaine réflexion préalable de la part du chien qui l’exécute, pour ne pas s’assommer contre l’obstacle fixe.

sautpalissade.jpg Une cloison en planches est disposée en verticale à un bout du ring. Elle mesure 1m90 de hauteur. Un rôdeur est supposé se trouver de l’autre côté et l’agent de police saint-gillois fait signe à Joubert d’aller voir ce qui s’y passe. Obéissant au geste, le brave Joubert, rapide comme l’éclair, se précipite d’un bond contre la cloison que le choix de son corps ébranle quelque peu. La vigueur de cette projection en boulet de canon accole en quelque sorte le corps du chien contre l’obstacle pendant un court instant ; l’intelligent animal met ce moment à profit pour porter vivement ses pattes vers le bord supérieur et libre de la cloison : d’un vigoureux coup de rein, il se soulève, dépasse l’obstacle et retombe comme une masse de l’autre côté, au risque de se rompre les os. Cet exercice est très émotionnant et Joubert l’a renouvelé plusieurs fois de suite, aux applaudissements enthousiastes des spectateurs, qui allaient tout aussi bien à l’habile dresseur qu’est M. Coene qu’à l’adresse et à l’intelligence déployées par son remarquable élève. Son inspection terminée de l’autre côté de la cloison, on voyait Joubert reparaître par l’un ou l’autre bout et accourir, très excité près de son maître, avec la satisfaction évidente du devoir accompli.

Mirabelle a enlevé le 2eme prix, en sautant par-dessus la toile à la hauteur de 1m25, sans prendre d’élan ni le moindre contact avec le bord libre de l’obstacle.

Bella vient ensuite ; elle est en état de gestation avancée et, malgré le poids de son abdomen, elle s’élève à la même hauteur de 1m25 que sa concurrente : malheureusement pour elle, Bella touche chaque fois lourdement l’obstacle. C’est pourquoi nous ne lui donnons pas de prix, ne pouvant tenir compte de son état physiologique actuel qui lui vaut cette déconvenue. Nous attendrons l’occasion de revoir Bella dans des conditions plus normales, car elle nous fait l’effet d’une bonne sauteuse digne de récompense. L’avenir nous édifiera à ce sujet.

 

Sauts en Longueur

Ce numéro du programme a été en partie manqué et c’est dommage. Les concurrents n’avaient pas répété au préalable : ils n’avaient même pas été familiarisé avec les mètres de grosse toile grise que le commissaire de ring déroulait sous leurs yeux pour qu’ils les franchissent sans y laisser l’empreinte de leurs pattes et d’aucuns avaient l’air de se méfier de cette grande nappe au contact de laquelle les races du chien de berger ne sont guère accoutumées. C’est bon pour les toutous des dames, les nappes et les bavettes, mais pour eux, les rustiques et les vaillants de l’espèce, il n’en faut point.

Faute d’entraînement, les sauts en longueur n’ont pas donné et n’auraient pu fournir les résultats qu’on en attendait. Les chiens se rattraperont dès qu’ils auront reçu un complément d’exercice et surtout d’éducation qui leur manquent.

Nous avons néanmoins cru devoir décerner les prix, savoir : 1er prix à Cora, pour un saut de 3m60 ; 2ème prix à Joubert, qui franchit d’un bon 3m45 et touche le sol «  à pieds joints », comme un homme, ce qui est exceptionnel pour le chien qui se reçoit sur des pattes écartées l’une de l’autre.

 

Sauts de haut en bas, dans l’eau

Ici, la confusion a été complète. L’ardeur des chiens pour l’eau était telle qu’ils s’y précipitaient tous à la fois ; pour peu, ils auraient décidé leurs maîtres et leur juge à les suivre ; dans tous les cas, ils entraînaient à leur suite les chiens vagabondant dans le voisinage et qui n’avaient aucun droit au partage de la galette du concours. L’eau du canal avait le dont ce jour là de procurer aux chiens des joies folles. En présence de ce brouhaha, les photographes eux même  ont dû désarmer et me voilà obligé de solliciter l’indulgence de mes lecteurs à qui nous n’avons pas le plus petit bout de photographie à montrer pour parler à leurs yeux. C’est d’autant plus regrettable qu’il eut été intéressant de leur faire voir la petite Mirabelle s’élancer dans l’air, du haut de son promontoire, partir en droite ligne comme une flèche et décrire ensuite une parabole qui s’achevait pas sa chute dans l’eau. Grand était l’empressement de la petite chienne de M. Balcaen pour regagner au plus vite la rive à la nage et rejoindre son maître qui, malheureusement, n’a pas toujours eu, en notre présence, pour cette bête si dévouée les sentiments de douceur qu’elle mérite si bien. C’est le devoir du juge d’inscrire publiquement ce reproche à l’adresse des gens qui rudoient leurs animaux sans raison plausible et comme par habitude.

Cora obtient le 1er prix, c'est-à-dire le prix spécial numéro 5, de 20F., offert par M. Van den Kerckhoven au chien accomplissant le meilleur saut en profondeur (dans l’eau).

 

Aptitude à l’attaque de l’Homme

 

satan1.jpg Ceux qui connaissent l’histoire du chien – tous nos lecteurs sont dans ce cas – savent que la variété brune ou noir et feu du « chien de St Hubert » a pris en Angleterre le nom de « blood-hound » (chien de sang), dès que les Anglais eurent tiré parti, en le développant, de l’un des instincts de ce chien, à savoir : son aptitude spéciale à la poursuite de l’homme. Les Edouard utilisèrent le chien de St Hubert dans leur guerre d’Ecosse contre les Bruce et leur chef William Wallace, vers l’an 1300 ; Elisabeth fit appel à ses crocs puissants dans les guerres d’Irlande. C’est le même chien qui était dressé à la poursuite des braconniers par toute l’Angleterre. C’est de lui qu’on se servait pour découvrir et étrangler les voleurs de moutons comme pour suivre la piste des criminels et des escarpes de tout acabit. C’était donc le chien de la police sommaire du bon vieux temps. C’est lui, enfin, qui, introduit dans l’Amérique du Sud par les espagnols, puis dans l’île de Cuba, y fût dressé à remplir le rôle cruel et barbare de chasseur d’hommes. On le lançait à la recherche, puis à la poursuite des esclaves en rupture de chaîne.

 

images/article/1903/1.jpg Ce sont ces prouesses du St Hubert accomplissant d’aussi sinistres et lugubres besognes qui lui ont valu le nom anglais de « bloodhound » c'est-à-dire « chien sanguinaire », et de « chien de sang ».

Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que le chien a été employé à l’ « attaque de l’homme», titre dont nous affublons ce paragraphe et cette section , la plus originale et la plus subjective peut-être des concours de dressage de Malines.

Oh ! Rassurez-vous lecteurs, il ne peut plus être question de faire étrangler et décorer les gens par les bêtes, il s’agit tout simplement d’assurer votre sécurité mieux qu’elle ne l’est, grâce à l’habile et dévoué concours du chien.  Ce n’est pas au « chien sanguinaire », mais à l’intelligent et vigilent berger que la police des villes commence à confier partout le soin de « doubler » le service de ses agents, surtout la nuit.

L’audace et l’habileté des malfaiteurs ne connaissent plus de bornes ; les malandrins ne reculent pas devant le crime, -peu leur importe la mort d’un agent, - mais ils reculent devant l’attaque brusque et soudaine du chien du policier et, grâce à l’intervention de ce précieux auxiliaire, ils sont arrêtés sur le fait. Les colonnes des journaux sont pleines des prouesses de ces braves chiens policiers aux services desquels les administrations communales de grands centres ont fait appel pour mieux assurer la sécurité de leurs administrés.

En présence des résultats obtenus jusqu’à ce jour, l’emploi du chien par les services de police va nécessairement faire tache d’huile et s’étendre à la plupart des agglomérations importantes.

Les deux scènes ci-dessus donnent une idée de la nature des premières leçons reçues pas le chien policier. Les photographies sont suffisamment  démonstratives pour qu’aucune explication ne soit nécessaire.

Lorsque le dressage de chambre est jugé suffisant, le chien policier commence à sortir avec son gardien ; il apprend à discerner le bon du mauvais, à avoir du flair et de l’initiative, à n’agir jamais cependant que sur l’ordre de son maître.

Satan est merveilleux sous ce rapport ; il comprend son service en vrai policier et il obéit au doigt et à l’œil.

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Les photographies ci jointes nous le montrent dans l’exercice de ses fonctions : en tournée de surveillance avec son maître, il a découvert derrière des tas de bois à brûler un homme de mauvaise mine, les épaules cédant sous le poids d’un ballot, qui s’efforce de fuir en se cachant dans l’ombre. Il se dit sans doute que cet homme s’est emparé du bien d’autrui, tant ses allures sont louches et, prompt comme l’éclair, le brave Satan l’attaque et enraye sa fuite en lui donnant des crocs en jambes. Le maraudeur abandonne le produit de son larcin et fait mine de le confier à son agresseur pour le calmer un peu. Il s’éloigne ; d’un bon Satan le rejoint et la lutte recommence de plus belle jusqu’à ce que les agents surgissent à ses appels et s’emparent du malfaiteur.

Dès que l’escarpe est pris, l’instinct du chien de berger reparait et Satan se met à décrire des cercles autour du groupe, comme le fait tout bon berger du troupeau dont la garde lui est confiée.

Si l’individu parvient à s’échapper des mains de la police, il ne va pas loin. Satan, qui observe ses moindres mouvements sans en avoir l’air, se précipite sur lui, lui porte des coups de tête vigoureux, successivement dans les plis de deux genoux de l’escarpe, qu’il jette sûrement par terre, au risque de se voir enserré à don tour sous le poids de l’homme qui s’abat sur le sol, ainsi que le démontre la reproduction photographique ci-dessus, prise à Malines.

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Satan a fourni à Maline une démonstration éclatante de son savoir-faire et de ses aptitudes. Le travail spécial de ce chien policier ne pouvait être comparé à aucune des preuves de bon dressage, d’adresse et d’intelligence donnés par Cora I, par exemple, et cette brave bête méritait, de son côté, un 1er prix.

En présence du succès des épreuves de dressage, nous obtînmes facilement deux premiers prix de même importance que celui renseigné au programme ; l’un fut pour Cora, l’autre pour Satan (prix spécialement créé pour ce dernier).